À propos
Je m’appelle Anaïs Bourdet, j’ai 36 ans et je suis Marseillaise. Je suis graphiste indépendante, et un peu prof de graphisme aussi. En 2012 j’ai créé le projet Paye ta Shnek. Pendant 3 ans, j'ai co-animé le podcast YESSS et je suis désormais l’hystérique radicale derrière Mauvaise Compagnie.
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Paye ta Shnek, PTS, c’était un Tumblr (Je rappelle qu’on était en 2012 !) sur lequel je recueillais et publiais des témoignages de harcèlement dans l’espace public. J’ai reçu plus de 15 000 témoignages. Harcèlement, agressions, viols, mais aussi inceste, violences conjugales, féminicides...
Des témoignages de victimes de sexisme, mais pas seulement. De racisme aussi, de lesbophobie, de transphobie, de grossophobie, de validisme, et j’en passe... j’ai lu tous ces mots, toute cette détresse. J’ai compris toute cette colère, et je l’ai partagée.
J’ai énormément appris aussi... parce qu’en 2012, j’étais quand même la meuf qui ne voulait pas se dire féministe et préférait le mot « égalitariste ». Je partais de loin ! En 2013 j’ai même sous-titré mon livre « tentatives de séduction en milieu urbain » … [facepalm]
Maintenant quand je croise mon bouquin, même chez moi je suis comme ça :
J’ai donc du progresser : je me suis renseignée à fond, j’ai bouquiné, lu des centaines de débats sur des groupes féministes, et peu à peu mon discours s’est construit, alors j’ai commencé à m’exprimer. Et là, j’ai découvert que j’avais des milliers d’ennemi.es.
PTS c’était 230 000 abonné.es sur Facebook, un million de vues pour chaque publication, des milliers de commentaires et parmi eux, des centaines de harceleurs. Insultes, menaces, incitations au suicide… jour et nuit sur les réseaux, par mail, par messages privés sur mes comptes perso...
Je voulais protéger les victimes, alors je ne laissais rien passer. Et plus je serrais la vis, plus des groupes s’organisaient pour me faire taire. Modérer un tel projet, c’est expérimenter une solitude glaciale. Seule derrière son écran, et personne autour de nous qui puisse réellement comprendre ce qu’on vit.
Entre les témoignages de violences, et les raids de masculinistes, j’ai cumulé en moi une colère et une tristesse immenses, qui ont fini par me dépasser. À force de nuits blanches et de pression, j’ai fini par craquer. J’ai stoppé PTS en juin 2019 pour protéger ma santé mentale, mais il était hors de question de me désengager.
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La première linogravure que j’ai réalisée disait « salopes en colère ». Voilà ce qui est sorti spontanément. Ça m'a fait du bien, et ça a plu à mes potes, alors j’ai compris que j’avais trouvé mon truc : me servir de cette violence pour la vider de son sens. Ne pas laisser les autres me définir.
J’avais sur mon ordi des centaines de captures écran de toutes les insultes que j’avais reçues. Joli recueil super fleuri, dans lequel je replonge pour dénicher l’insulte qui n’en est pas une, et celle dont je peux être fière. Je ne remercierai jamais assez le média qui m’avait qualifiée de « groupuscule ultra féministe », pour le fou rire d'anthologie.
Reverser des dons à des assos était totalement évident. J’ai lâché moi, j’ai démissionné, mais pas elles. Et pour avoir collaboré avec pas mal d’entre elles, je sais l’énergie, et la fatigue. Je sais la détermination, et le désespoir parfois. Alors j’ai décidé de recycler l’énergie de mes harceleurs en aide financière pour ces héroïnes et héros du quotidien.
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Je fabrique les affiches à la main, avec amour, une par une. J'éprouve une satisfaction gigantesque à chaque impression, et encore plus à chaque envoi. Savoir que ces insultes vont fièrement décorer les murs d'autres personnes qui partagent mes valeurs, ça me fait un bien immense.
Puis il m’a vite été demandé de faire d’autres objets que des affiches seules, alors je fais fabriquer en petites séries, en prenant grand soin de rester cohérente avec mes valeurs, et exigeante vis à vis de moi-même. Je bosse seule, et mon adorable mère me file un coup de main pour les expéditions.
Je fais de mon mieux pour produire et expédier de la façon la plus écologique possible, pour ne rien gaspiller, pour proposer des prix accessibles, choisir des matériaux qui n’abiment ni planète ni la santé des personnes sur place, et verser des dons significatifs aux assos. C’est ma façon de m’engager, désormais. Loin des violences, mais proche de ce que j’ai défendu pendant tout ce temps.
Et c’est un métier ! Oui. Pendant des années j’ai mis ma carrière de graphiste entre parenthèses au profit de mes engagements, et ça m’a plongée dans une précarité qui a elle aussi couté à ma santé. Je veux me sortir de là, mais je ne veux plus bosser pour des intérêts commerciaux de marques ou boites lambda.
Et big news : on n'a pas besoin d'être précaire pour être légitime. On pourrait penser que c'est logique, mais c'est loin d'être évident pour tout le monde. Le travail militant est un travail.
Mauvaise Compagnie me permet donc d’allier mon savoir faire, ma passion, et mes engagements. De ne plus avoir à choisir entre mon travail et mes convictions. De ne plus avoir à choisir entre aider et payer mon loyer. Je n’ai pas le luxe de pouvoir me passer de l’un ou de l’autre, alors je choisis de me créer mon métier idéal : casseuse d’ambiance professionnelle.
Vous aurez compris le message j’imagine : je ne suis pas une multinationale, je n’ai pas une armée de stagiaires que je ne paye pas, et je fais de mon mieux, avec sincérité. C’est toujours perfectible, et soyez sûr.es que je ferai tout pour progresser encore et encore et que je suis attentive à la moindre remarque, au moindre conseil pour améliorer ce projet.
Savoir que ce projet déclenche des rires et sourires chez mes adelphes de la team social justice warriors, ça me fait un plaisir immense. Et bien sûr ce projet n’aurait aucun sens sans les dons reversés aux assos, qui donnent et sacrifient tant pour nous. C’est ma façon de les remercier alors que je n’ai moi-même pas les moyens de les aider.
Bref, Mauvaise Compagnie, c’est ma vengeance. Je suis fière du chemin parcouru, et super excitée de fouler le chemin qui se profile. Mille merci à vous qui m’avez suivie dans cette nouvelle aventure, et coucou à vous qui découvrez le projet ! Pour la suite, voilà le programme : bastonnade & rigolade. Je suis fière d'être une hystérique radicale, une féministe de merde, une islamogauchiste, et j'espère vous aider à l'être vous aussi ! <3
Sincèrement,
Anaïs Bourdet